Ce récit d’un «moment d’histoire locale » a été réalisé à partir de témoignages de personnes ayant vécu d’une manière ou d’une autre l’évènement relaté. D’autres témoins auraient pu être entendus, le temps a manqué. Un grand merci à ceux et à celles qui ont permis, par leur récit, d’apporter un témoignage aussi véridique que possible. Le temps efface et parfois embellit. par Gérard PATOIS (ce texte est paru dans le Bulletin municipal de 1970)
C’était le 18 juin 1940 à Frambouhans.
Le pourquoi de la rue du Capitaine Treilhes et de la place du 57° Régiment d’Artillerie
En juin 1940, depuis quelques temps, l’armée française stationnée sur le Plateau de Maîche a pris position à Frambouhans et aux Ecorces. Le 57° Régiment d’Artillerie originaire du Sud Ouest a, au village et près des hameaux, enterré ses canons tournés du côté de Maîche.
La débâcle n’a pas épargné le village. Des familles avec leurs jeunes enfants « ont évacué » en prenant la direction du Sud. De jeunes hommes ont quitté leurs familles en enfourchant leur vélo pour échapper à l’envahisseur. Certains iront jusqu’à Montbrison, du côté de Saint Etienne. Comme la « vague» de l’évacuation vient du Nord, des réfugiés sont hébergés provisoirement au village avant de poursuivre leur route. Comme tous ceux en âge de porter les armes sont au front, ne restent au village que les femmes et les hommes d’un « certain âge ».
Ce 18 juin, nous sommes loin de Londres où le Général de Gaulle lançait, il y a quatre vingt ans, son appel à poursuivre le combat contre l’envahisseur.
C’est un autre appel, celui d’une standardiste de Bonnétage, qui prévient que l’avant-garde d’une « colonne » allemande venant de Besançon traverse son village et se dirige sans doute en direction de Frambouhans..
Les artilleurs français stationnés à Frambouhans prennent position et se préparent au combat, tant au village qu’à la Cour Jean Brun.
Vers deux heures de l’après-midi, les premiers side-cars se présentent au centre du village. Ils sont aussitôt stoppés par des tirs, ce sera le premier tué des cinq soldats allemands morts dans ces combats. Fut-il tué par des tirs civils ou des tirs de soldats ? Cela reste une énigme.
Un échange d’artillerie s’en suit. Des obus traversent des maisons sans faire de victimes. Les portes de l’église en conservent la trace ainsi que l’angle du mur ouest.
L’envahisseur est le plus fort. Furieux de ses pertes et d’être stoppé dans sa facile progression depuis la capitale franc-comtoise, il marque sa colère en mettant volontairement le feu aux maisons du centre du village.
Rapidement, de proche en proche, des maisons (*) sont la proie des flammes : « La ferme d’Hermann », « Chez Guerissot », « l’ancienne cure » ou « Chez la Léonie », « Chez la Thérésia » avec, situées derrière, « Chez Kuenzli, le fromager » et « Chez Prosper ». Heureusement, l’incendie ne franchit pas la « Vie la Coige » mais n’épargne pas l’échoppe de « Chez la Zénaïde ».
Les habitants proches du centre qui s’étaient réfugiés dans leurs caves en sortent craignant d’être pris au piège .... l’apparition d’un lance-flamme.
Des soldats français blessés doivent être soignés. Ce qui est fait, à la demande de l’occupant, par les villageois. C’est au cours d’une de ces interventions, qu’un « évacué alsacien » hébergé chez Louis Vienot convainc un officier que les morts allemands ne sont pas la conséquence de tirs de « francs-tireurs » mais bien de l’armée française.
La propagation volontaire de l’incendie est stoppée.
Voilà bientôt deux heures que les troupes allemandes occupent le village. Le 57° Régiment d’Artillerie compte déjà deux tués, le caporal Marceau BOUFFLET tué aux Boules et le soldat Etienne FAUROUX, derrière la maison Jean Vienot
C’est alors, vers seize heures, que l’officier commandant le 57° Régiment d’Artillerie, le capitaine Henri TREILHES et l’adjudant-chef Jean Louis LAPEYRE sont faits prisonniers à la Poste située en face de l’Hôtel du Commerce. Refusant de se rendre, ils sont tous les deux aussitôt froidement exécutés d’un tir de révolver en pleine tête.
Des hommes sont alignés le long de la route …… puis relâchés. La peur est dans toutes les têtes. Chaque famille tente de se protéger comme elle peut, dans une carrière, dans une maison éloignée, dans un trou, dans une cave. D’autres errent dans les bois. Le village se vide.
Les Allemands occupent le terrain, ils occupent les maisons, ils occupent les écuries. Leurs chevaux seront logés et les vaches devront rester dehors.
Les soldats français seront inhumés au cimetière, les soldats allemands au centre du village.
Quelques jours auparavant, le 15 juin 1940, Charles VIENOT, enfant du pays, soldat au 61° Régiment d’Artillerie était tué au combat à Chemin d’Aisey, territoire de la commune de Coulmier-le-Sec en Côte d’Or. La nouvelle ne fût connue que plus tard.
Dans la nuit du 18 au 19 et le 19 juin, les soldats du 57° Régiment d’Artillerie cachés dans la forêt entre Frambouhans et les Ecorces tentent de rejoindre la Suisse. Avec la complicité des habitants proches des lieux, ils franchissent la route entre les passages des véhicules allemands qui arrivent à la Cour Jean Brun le 19 juin, vers onze heures.
En quittant les lieux du combat, l’armée française laisse sur place un grand nombre de matériel et abandonne les véhicules « de ravitaillement » stationnés dans le bois, aux Fournots. Leur contenu sera réservé aux plus « audacieux ».
Dix huit chevaux de l’armée française sont, vers l’église, victimes des combats. Le surlendemain, des hommes valides sont requis pour enfouir les cadavres traînés et jetés dans une doline du côté de la Baume. Ils sont recouverts de terre.
« Ceux » qui étaient partis à la « débacle » sont revenus plus ou moins tôt. Certains rejoignirent plus tard le maquis.
L’armée allemande restera plusieurs mois au village, emménagera dans les maisons, installera sa « kommandantur » au « château » qui fut flanqué de deux grands oriflammes avec croix gammée, ……
Il y eut « l’affaire des Ecorces » et la grande peur des habitants de Charquemont, des Ecorces et de Frambouhans ; celle de « la Combe de l’Auge » avec comme conséquence l’arrestation de Florimond LAUBERT et sa déportation à Dachaux où il décèdera ; l’incident du drapeau planté au sommet d’un sapin face à chez Noll et la montée des SS ; la venue des enfants parisiens et celle des familles réfugiées en provenance « du Bas » ….
C’était bien la Guerre !
Les Alliès arrivèrent à Frambouhans en septembre 1944. Tous les prisonniers de guerre rentrèrent « sains et saufs », à chaque retour les cloches sonneront. La Vierge au pied de la rue du Fort est érigée pour remercier le Ciel du retour des enfants de la Paroisse.
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TREILES Henri - 55 ans - né à Albi (Tarn)
LAPEYRE Jean Louis - 36 ans - né à Dieupintale (Tarn et Garonne)
BOUFFLET Marceau - 27 ans - né à Amiens (Somme)
FAUROUX Etienne - 37 ans né à Castéras (Ariège)
VIENOT Charles - 23 ans - né à Frambouhans (Doubs)
LAUBERT Florimond - ans – né aux Fins (Doubs)
ILS SONT MORTS POUR LA FRANCE.
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(*) la ferme d’Hermann Monnot // Chez Guerrissot où réside Henri Jourdain // l’ancienne cure où réside la Veuve Léonie Fierobe // Chez la Thérèsia Garessus (grand’mère du futur Ministre Jean-Pierre Chevènement) patronne de l’Hôtel du Cerf // Chez Kuenzli, fromager indépendant. La coopérative de fromagerie ne vit le jour que plus tard avec la réalisation de la « nouvelle fromagerie » dans les bâtiments de l’ancienne école des garçons // Chez Prosper Perriot-Comte, charron qui plus tard devint électricien // Chez la Zénaïde Cuenot-Prince couturière vendant de la mercerie et autres articles divers. – à noter, qu’à l’exception de l’Hôtel du Cerf, aucune des autres maisons du « centre du village » ne fut reconstruites.